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La tombe de Parker

La pierre tombale fraîchement posée sur sa tombe, mon fils aîné m’est apparu au milieu de la nuit avec une réponse au sens de la vie. Dans ce rêve où Parker est apparu, je guidais mes trois autres enfants à travers une ville que je connaissais bien. C’était le soir, j’étais triste et épuisée et je ressentais la nécessité de retourner dans ma voiture pour rentrer chez moi.

Soudain j’ai entendu derrière moi mon plus jeune, Luc, (il avait 7 ans à l’époque), crier comme un nouveau-né. Appelez ça mon côté grizzli ou mon manque de patience à ce moment précis, je me suis retournée pour donner à celui qui embêtait mon fils une bonne tape sur la tête.

Au moment où je me suis retournée, la mâchoire serrée et le cou raide pour rugir, au lieu de sortir un “Hey ! Arrêtez ça !” J’ai accroché sur le « arr » de “arrêtez”, le souffle coupé. Là, en short et portant son t-shirt préféré avec sa coupe courte bien reconnaissable, se tenait Parker, âgé de 18 ans, aussi indemne que la dernière fois que je l’avais vu en vie le jour avant sa mort.

Il était en train de s’amuser à suspendre son petit frère au-dessus d’une poubelle.

Luc et Parker nos relations

Luc sur les épaules de Parker

Vous connaissez ce moment qui court-circuite votre corps et votre âme et vous fait passer de l’envie de mordre la jugulaire de quelqu’un à celui de tomber à genoux et d’embrasser ses pieds ? Bouleversée, je me suis avancée vers Parker, et lui, (avec une expression qui semblait dire : « Aller, maman, tu sais bien que c’était pour rire ».) a tendu son petit frère à sa sœur et m’a enlacé.

Ses épaules m’étaient familières, ainsi que son odeur. Désespérée, je l’ai supplié : « Dis-moi mon chéri. Parle-moi de tout ce que tu as appris ».

Il se recula un peu. Cette mini tache de rousseur sur son nez. Cette cicatrice au niveau du sourcil. Ce petit grain couleur acier dans son iris droite. C’était le visage de mon fils, mais plus mûr. Plus posé.

J’attendais qu’il parle.

 

En se penchant, il chuchota : « C’est ça », et inspira calmement. Il me chercha des yeux, et puis :

« Toutes nos relations doivent nous mener à Dieu ».   

 

Je réfléchissais.

Il me regardait.

« C’est… c’est tout ? » Je m’exclamais, « Rien de plus ? Rien d’autre ? »

Ses doux yeux restaient fixés.

Et le rêve s’est terminé.

juillet 2007 nos relations

Les garçons, juillet 2007

Toutes nos relations doivent nous mener à Dieu

Depuis ce rêve, c’est ma devise. Et comme la plupart des devises, cela fait un peu pompeux et cliché, et pourtant cela contient plus de strates que l’Himalaya, plus de profondeur que les fosses du Pacifique. Il y a un risque de simplification excessive, et pourtant cela prendra toute ma vie pour que je comprenne. Mais voici ce que j’en ai tiré jusqu’à présent :

Toutes nos relations

Toutes.

C’est assez clair : toutes mes relations directes, ma famille. Puis ma famille par alliance. Puis mes meilleurs amis et amis proches. Puis toutes sortes de relations et de contacts réguliers comme les professeurs, les étudiants, les camarades de classe, les collègues, les coéquipiers, les voisins, les membres de ma congrégation, les parents des amis de mes enfants, la dame qui distribue mon courrier sur son vélo jaune qu’il neige ou qu’il pleuve, les gens dans le bus, la veuve aux cheveux bleus qui me salue en promenant son teckel devant ma fenêtre tous les soirs à huit heures.

Ce sont tous des gens avec qui je partage différents degrés de relations et d’intimité, d’expériences et d’histoires, des gens avec qui je partage l’espace, le temps, des idées, des efforts. Des gens avec qui je partage un peu de moi-même et qui partage avec moi un peu d’eux-mêmes.

 

nos relations étudiants

Mes élèves: syriens, afghans, irakiens et iraniens apprennent l’Allemand.

Famille, amis, étrangers, abonnés, ennemis

Tout le monde.

En plus de ces relations, il y a les interactions que j’ai eues avec ceux que j’ai vu très rarement ou juste une fois. Comme cet homme qui a mis le sac de pailles dans mon chariot à la jardinerie. Et cette femme qui m’a fait une queue de poisson à la sortie de l’autoroute ce matin. Ou ce bébé qui a pleuré pendant tout le vol pour traverser l’Atlantique. Et le parent qui dormait avec ses écouteurs pendant que son bébé pleurait pendant tout le vol pour traverser l’Atlantique. Et l’équipage de ce vol. Les passagers de chaque côté. Le pilote, que je n’ai jamais vu et qui n’a jamais entendu le bébé, mais dont nous avons tous entendu la voix et à qui je faisais confiance pour me « transporter à 10 km du sol en sécurité ».

J’interagis la plupart du temps sans m’en rendre compte avec tous ces gens.

Et puis, il y a ceux que je n’ai jamais rencontrés, mais avec qui j’ai eu comme une sorte d’échange bref et superficiel. Le politicien grincheux aux informations, la célébrité dont le cinquième mariage fait la une du magazine sans intérêt que j’ai feuilleté chez le docteur, le musicien avec qui je fredonne la chanson dans la voiture.

Et les relations virtuelles, les connaissances sur Facebook, les personnes sur Instagram, ceux qui commentent sur Twitter. Ceux qui suivent mon blog.

Et les gens des deux côtés de l’histoire : mes ancêtres, ma progéniture.

Ou les gens des deux côtés du globe : mes concitoyens, mes ennemis politique.

Nos relations. Absolument toutes.

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Toutes nos relations nous mènent à…

Toutes ces interactions, tout ce bazar humain ? C’est plus que d’apprendre à travailler en équipe, ou de trouver une manière efficace de faire les choses. Et c’est également plus que d’apprendre la tolérance et la compassion et la patience avec un bébé qui pleure et les conducteurs sur les autoroutes allemandes.

Peut-être que « Toutes nos relations doivent nous mener à Dieu », signifie ceci :

L’auteur Toni Morrison se souvient dans une interview avoir été cette jeune mère qui, lorsque ses enfants rentraient à la maison, les regardait de haut en bas à la recherche de fautes. Elle se disait : Rentre ta chemise, ou brosse toi les cheveux. Elle pensait que son attitude critique indiquait qu’elle se souciait d’eux, ce que je peux comprendre parfaitement. Etait-ce ce que je faisais dans mon rêve quand je voulais écarter le malfrat qui, je pensais, était en train de faire du mal à mon plus jeune enfant. J’étais prête à attaquer.

Toni Morrison propose ensuite une autre approche. Elle dit : « Laissez votre visage exprimer ce qui est dans votre cœur. Lorsqu’ils rentrent à la maison mon visage dit ‘je suis heureuse de vous voir’. C’est aussi simple que ça. »

Il n’y a pas d’interaction neutre

Un regard bienveillant. Un sourire encourageant. Un haussement d’épaule pour pardonner. Un pas en avant. Un signe amical de la tête. C’est comme ça que nous nous rapprochons, nous et les autres, du meilleur de l’humanité et vers la divinité.

Un jugement murmuré. Un regard malveillant. Une attitude jalouse. Un dos tourné. Un rejet rapide. Se retourner pour mordre une jugulaire. C’est ainsi que nous nous éloignons les uns des autres et de la divinité.

Et si je n’étais pas aussi rapide pour critiquer tous ceux que je rencontre, ou crispée derrière toutes sortes de barrières (telles que la différence de race, de religion, d’idées politiques, la jalousie, la honte…), mais à la place disposée à exprimer la pensée : « Je suis heureuse de te voir » ?

Je pense que cela me changerait, changerait l’autre personne, la situation, cela changerait tout.

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Je sais. Vous vous dites : « Je suis heureux de te voir » est facile lorsque vous être réellement heureux de voir quelqu’un. Et dans mon cas, dans le rêve j’étais plus qu’heureuse. J’étais extatique, folle d’amour pour mon fils. Je vais dire quelque chose d’évident : lorsqu’il n’y a pas eu de mauvais sentiments, et que vous revoyez un être aimé disparu, chaque petite critique que vous avez pu garder en stock pendant sa mortalité disparaît dans un océan d’amour.

Mais qu’en est-il des autres relations ? La plupart d’entre elles, celles qui nécessitent des efforts surhumains de notre part ? Celles pour lesquelles nous préférerions dire : « Je suis heureux de te voir…partir » ? C’est là que les conseils de Parker prennent tout leur sens. Alors que la plupart des grandes traditions mythiques et même la spiritualité populaire moderne prétendent que Dieu se trouve au-dessus et au-delà des interactions triviales des hommes, peut-être assis tout seul en train de contempler un flocon de neige au sommet d’un pic, je dis que Dieu se trouve dans les fosses. Dieu est ici dans la poussière. Dieu est parmi nous.

Et c’est aussi ce que disent les experts. Le professeur d’Harvard Michael Puett parle de ce que les anciens philosophes chinois penseraient de l’attitude solitaire moderne, et pourquoi nos relations personnelles sont l’essence de la mortalité :

Ils (les anciens chinois) ont vu chacun de nous se heurter contre d’autres créatures impures à longueur de journée. C’est la raison d’être sur terre : nos vies sont faites presque entièrement des relations que nous entretenons avec ceux qui nous entourent.

Pour la plupart d’entre nous, ces relations ne sont pas faciles. [Peut-on dire amen à cela ?] C’est parce que, comme ces philosophes l’ont bien compris, comme nous nous heurtons les uns aux autres continuellement, nous aimant et essayant de bien nous entendre, nous avons tendance à tomber dans un comportement type. Nous réagissons avec les mêmes manières prévisibles. Les rencontres avec les gens provoquent chez nous une variété d’émotions et de réactions : Certains commentaires provoqueront presque invariablement des sentiments de colère, alors qu’un certain geste de quelqu’un d’autre pourra apporter un sentiment d’apaisement. Nous passons nos journées en étant passivement dirigés dans une direction ou dans une autre selon nos rencontres ou la situation dans laquelle nous nous trouvons. Pire encore, ces réactions passives ont un effet cascade. Nous réagissons même aux signaux les plus subtils de ceux qui nous entourent. Un sourire ou une grimace d’un passant peuvent rapidement causer un petit changement d’humeur. Les types de réactions dans lesquels nous sommes emprisonnés, parfois bons, mais le plus souvent mauvais, se propagent vers l’extérieur et affectent les autres également.

 

Autrement dit, il n’existe pas d’interactions neutres. Toutes nos actions et réactions transmettent des vibrations dans une vaste toile qui soit nous dirigent nous et d’autres vers Dieu (ou vers la santé, la lumière, l’amour, la guérison, la source de toutes connaissances, peu importe comment vous appelez la meilleure chose que vous pouvez imaginer), ou nous en éloigne. Chaque lien imaginable que j’ai avec chaque être humain joue un rôle non seulement dans la façon que j’ai de grandir et de ressentir un sens et de la joie, mais améliore (plus ou moins) le bien être des autres. Et cette vérité est la raison pour laquelle les relations sont essentielles, et pourquoi elles sont à la fois incroyablement difficiles et infiniment précieuses.

 

Toutes nos relations nous amènent à une compréhension de Dieu

Oui, il y a ces quelques relations qui se développent sans beaucoup d’efforts, et qui offrent un aperçu de ce à quoi ressemble la sainteté. Mais le plus souvent, les relations demandent du travail spirituel. Elles sont rugueuses. Nous laissent des hématomes. Il y a également celles, et nous les avons tous connues, qui ne font pas que nous écorcher. Elles nous brûlent vifs.

Et comment ces relations nous mènent-elles à Dieu ? Selon mon expérience, elles nous amènent à une compréhension de la nature de Dieu. Elles nous font apprendre de Lui.

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Lui. Permettez-moi de parler spécifiquement pendant un instant du Dieu que j’adore. L’Etre que je m’efforce de comprendre et que j’espère refléter a répondu majestueusement dans toutes les relations, mais particulièrement dans celles les plus injurieuses. Hérode, Pilate, Judas, Pierre, les centurions romains, les sanhédrins moqueurs, les lépreux ingrats, et les siècles de railleries modernes ainsi que les érudits arrogants, devant eux et pour eux tous, Jésus Christ reste sans fautes. Aucun personnage de l’Histoire, aucun Dieu de quelque mythe que ce soit ne possède la dignité, l’amour inconditionnel, et la maîtrise dans les relations humaines que ne le personnifie le Christ. Aucun autre être à ma connaissance a non seulement subi la trahison, l’exploitation, l’usure, l’abandon, la cruauté et les complots, mais a été jusqu’à absorber les abus de toutes formes et a transformé ces maux en guérison pour tous, y compris les fauteurs de troubles.

 

Comme tout le monde, j’ai connu un peu des blessures que je viens de mentionner. Lorsque c’est arrivé, (comme récemment, lorsqu’une amitié de longue date est allée droit dans le mur), j’ai dû serrer les dents pour museler mon côté grizzli, rentrer les griffes, et avaler mes grognements.

Et à ce moment, les paroles de Parker m’ont envahies. Elles m’ont aidé à continuer à respirer à travers ce qui m’a semblé être un manque d’amour dirigé vers ma famille et vers moi, mais tout aussi important, elles m’ont aidé à constater que j’étais loin de maîtriser mes réactions comme le Maître face aux blessures et aux trahisons.

Qu’ai-je donc appris de ce que mon fils m’a dit dans un rêve ?

Que toutes nos relations, y compris celles dont nous devons nous retirer pour le bien de tout le monde, sont des présents qui nous aident à nous rapprocher de Dieu. En méditant sur Ses réactions magnifiques aux tendances humaines les plus laides (celles des autres et les nôtres), nous constatons à quel point nous mortels sommes loin de Son niveau de bonté et de compassion sans faille. Donc, en fin de compte, chaque relation nous mène non seulement à Dieu, mais aussi au Dieu en chacun de nous.

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Qu’en pensez-vous ? De quelles relations avez-vous le plus appris ? Quelles sont celles qui vous ont posées le plus de problèmes ? Ces relations sont-elles différentes, ou exactement les mêmes ?

Que vous ont enseigné vos meilleures et plus riches relations ?

En poussant la définition de « relations » plus loin, quelles autres connexions mis à part celles avec les humains « nous mènent à Dieu » ?

Et à la base : Que signifie « mène à Dieu » pour vous ?

portrait Parker nos relations 

 

Article écrit par Melissa Bradford et publié sur son blog Melissa, writes of passage, traduit par Samuel Babin.