L’article suivant est un extrait de la deuxième édition de “Witness to the Martyrdom: John Taylor’s Personal Account of the Last Days of the Prophet Joseph Smith”. Le récit de John Taylor est le seul venant d’un témoin oculaire de ces événements de l’Histoire de l’Eglise. Après le martyre de Joseph et Hyrum Smith, John Taylor est devenu « un martyre vivant », et a survécu pour écrire un récit personnel de ces événements. Il a servi en tant que troisième président de l’Eglise de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours.

 

C’était évidemment une scène terrible : un faisceau de feu aussi gros que mon bras est passé à côté de moi alors que ces hommes nous tiraient dessus, et, sans armes, il semblait que nous étions voués à une mort certaine. Je me souviens avoir ressenti que mon heure était arrivée, mais je ne me souviens pas quand. Au cours d’une telle position critique, je me suis senti plus calme, serein, et énergique, et j’ai agi avec plus de rapidité et de détermination. C’était évidemment loin d’être plaisant que de me trouver aussi près des canons de ces armes alors qu’elles crachaient flammes et balles meurtrières. Et alors que je m’efforçais d’éviter les coups de feu, frère Joseph m’a dit : « C’est ça frère Taylor, évitez-les du mieux que vous le pouvez ». C’était les dernières paroles que j’ai entendu de lui sur cette terre.

La foule à la porte était de plus en plus dense, alors qu’ils étaient poussés par ceux à l’arrière qui montaient les escaliers, jusqu’à ce que le hall devant la porte soit littéralement envahi de pistolets et de fusils, ce qui, avec les jurons, les cris et les expressions démoniaques de tous ceux à l’extérieur de la porte et dans les escaliers, et les coups de feu mêlés aux horribles menaces, ressemblait à un désordre incroyable, et était, en effet, une représentation fidèle des actes horribles dans lesquels ils étaient engagés.

Après avoir évité les coups de feu pendant quelques temps, et alors qu’ils devenaient de plus en plus denses, et ne voyant aucun espoir de s’échapper ou de se protéger dans la salle, puisque nous n’étions pas armés, il me vint à l’esprit que nous pourrions avoir des amis à l’extérieur, et qu’il pourrait y avoir une chance de s’échapper dans cette direction, mais il n’y en avait apparemment aucune.

Je m’attendais à ce qu’ils pénètrent dans la salle à tout moment, car rien de moins qu’une lâcheté extrême les avait gardé à l’extérieur, alors que le tumulte et la pression augmentaient. J’ai bondi vers la fenêtre qui était juste en face de la porte de la prison où la foule était amassée, et qui était également exposée aux coups de feu des Greys de Carthage qui étaient disposés à quelques mètres de là. Il faisait chaud, nous avions tous retiré nos manteaux, et la fenêtre était ouverte pour faire de l’air. Alors que j’atteignais la fenêtre et que je m’apprêtais à sauter, j’ai été touché à mi-cuisse par une balle venant de la porte, et qui a touché l’os et s’est aplatie comme une pièce de monnaie, puis est passée à travers la partie charnue pour s’arrêter à 3 cm de l’extérieur. Je pense que des nerfs importants ont dû être sectionnés ou abîmés car, dès que la balle m’a touché, je suis tombé comme un oiseau, ou un bœuf abattu par un boucher, et j’ai perdu instantanément et entièrement toute capacité d’action ou de mouvement. Je suis tombé sur le rebord de la fenêtre et j’ai crié : « Je suis touché ! » N’ayant plus la possibilité de bouger, je me suis senti tomber dehors, mais je suis immédiatement tombé à l’intérieur, pour une raison inconnue à ce moment-là. Quand j’ai heurté le sol, ma faculté de mouvement semblait rétablie, comme je l’avais déjà vu chez les écureuils et les oiseaux après qu’on leur ait tiré dessus. Dès que j’ai senti que je pouvais bouger, j’ai rampé sous le lit qui était dans un coin de la salle, près de la fenêtre ou j’avais été blessé. Dans mes déplacements et sous le lit, j’ai été blessé à trois autres endroits ; une balle m’a heurté légèrement en dessous du genou gauche, et n’a jamais été extraite ; une autre dans mon avant-bras gauche, un peu au-dessus du poignet, et, passant par l’articulation, s’est logée dans la partie charnue de ma main, un peu au-dessus du l’articulation de mon petit doigt ; une autre m’a touchée sur la partie charnue de ma hanche gauche, et a déchiré un morceau de peau aussi gros que ma main, projetant les morceaux de peau et le sang contre le mur.

Mes blessures étaient douloureuses, et j’avais l’impression qu’une balle était passée à travers toute la longueur de ma jambe. Je me souviens bien de ce que je pensais à ce moment-là. J’ai eu la pensée douloureuse que j’allais devenir estropié, handicapé, et l’objet de pitié, et je pensais que je préférais mourir plutôt que d’être confronté à cela.

Il m’a semblé qu’immédiatement après ma tentative de sauter par la fenêtre, Joseph ait fait la même chose, mais je n’ai pas connaissance des circonstances dans lesquelles cela s’est passé, juste des informations. La première chose que j’ai remarquée était un cri lorsqu’il a sauté par la fenêtre. S’en est suivi un cessez le feu, la foule s’est précipitée en bas des escaliers, et le Dr. Richards est allé à la fenêtre. Immédiatement après, j’ai vu le docteur se diriger vers la porte de la prison, et comme il y avait une porte en fer en haut des escaliers et adjacente à notre porte qui menait vers les cellules des criminels, j’ai été étonné du fait que le docteur aille dans cette direction, et je lui ai dit : « stop, docteur, et prenez-moi avec vous ». Il a continué vers la porte et l’a ouverte, puis est revenu et m’a trainé vers une petite cellule préparée pour les criminels.

Frère Richards était très troublé et s’est exclamé : “Oh ! Frère Taylor, est-il possible qu’ils aient tué frère Hyrum et Joseph ? Cela ne peut pas être vrai, et pourtant je les ai vu leur tirer dessus » ; et en levant les mains deux ou trois fois, il s’est exclamé : « Oh Seigneur, mon Dieu, épargne tes serviteurs ! » Il dit ensuite : « Frère Taylor, c’est un événement terrible » ; puis il m’a trainé plus loin dans la cellule en disant : « Je suis désolé, je ne peux rien faire de plus pour vous » ; et, prenant un vieux matelas dégoutant, il m’a recouvert et m’a dit : « Cela vous protègera peut-être, et vous vivrez peut-être pour raconter cette histoire, mais je crois qu’ils vont me tuer dans quelques instants ». Étant allongé dans cette position, j’ai souffert les douleurs les plus terribles.

Peu de temps après, le docteur Richards est venu me voir et m’a dit que la foule était partie précipitamment, et par la même occasion m’a confirmé mes pires craintes comme quoi Joseph avait bien été tué. J’ai ressenti une impression macabre d’écœurement et de solitude en entendant cette nouvelle. Quand j’ai réalisé que notre noble chef, le prophète du Dieu vivant était mort, et que j’avais vu son frère dans les bras glacés de la mort, il semblait y avoir un grand vide dans le grand champ de l’existence humaine pour moi, et un gouffre lugubre dans le royaume, et que nous étions laissés seuls. Oh, quel sentiment de solitude ! Quel vide glacé et désolé ! Dans les difficultés il était toujours le premier en action ; dans les situations critiques, on venait toujours chercher ses conseils. En tant que prophète il s’approchait de Dieu et nous faisait part de sa volonté ; mais maintenant notre prophète, notre conseiller, notre général, notre leader était parti, et après ce drame affreux que nous avions vécu, nous étions laissés seuls sans son aide, et pour ce qui est de notre guide pour les choses spirituelles et temporelles, et pour toute chose concernant ce monde, ou le suivant, il avait parlé pour la dernière fois sur terre.

Ces pensées ainsi que des milliers d’autres sont passées dans mon esprit. Je me suis dit, pourquoi le bien doit-il périr, et la vertu doit-elle être détruite ? Pourquoi la noblesse de Dieu, le sel de la terre, la plus exaltée de la famille humaine, et le type le plus parfait de toute excellence doivent-ils tomber victimes de la haine cruelle et monstrueuse de l’incarnation des démons ?

Cependant, l’étendu de ma peine, était, je pense, un peu atténuée par la douleur extrême que je ressentais à cause de mes blessures.

… Une balle m’avait heurté au moment où je m’étais senti tomber de la fenêtre, et c’était cette force qui m’avait rejeté vers l’intérieur. J’ai souvent fait la remarque à Mme Taylor, du fait étrange de me retrouver à l’intérieur de la salle, alors que j’avais ressenti juste avant, après avoir été touché, que je tombais vers l’extérieur, et je n’avais jamais pu l’expliquer jusqu’à ce moment ; et là, la chose était totalement élucidée et rendue claire dans mon esprit. J’étais bien en train de tomber vers l’extérieur, lorsqu’un bandit a visé mon cœur.

La balle a touché ma montre et m’a repoussée en arrière ; si j’étais tombé vers l’extérieur, j’aurais sans aucun doute été tué, par la chute, ou par la foule, et cette balle qui était destinée à me tuer s’est transformée par une volonté providentielle en messager miséricordieux, et a sauvé ma vie. Je n’oublierai jamais le sentiment de gratitude que j’ai alors ressenti envers mon Père Céleste ; toute la scène était projetée devant moi et mon cœur s’est brisé devant le Seigneur. J’ai senti que le Seigneur m’avait préservé par un geste de miséricorde ; que mon heure n’était pas encore venue, et que j’avais toujours un travail à faire sur la terre.

 

Article écrit par John Taylor (Edited by Mark H. Taylor, Adapted from “Witness to the Martyrdom”) pour LDS Living et publié sous le titre A Glimpse into the Final Moments of Joseph Smith’s life from a Witness to His Martyrdom et traduit par Samuel Babin. Français  ©2017 LDS Living, A Division of Deseret Book Company | English ©2017 LDS Living, A Division of Deseret Book Company