« Le Diable est malin, et, jusqu’à une heure avant sa chute, même Dieu le pensait beau dans les cieux. » –Arthur Miller, The Crucible 

Cela va sans nul doute être le post le plus difficile que j’ai jamais écrit.

Je n’ai pas été une membre pratiquante de l’Eglise depuis plus d’un an.

DEVENIR NON PRATIQUANTE

Et je ne parle pas de faire la grâce matinée un dimanche jusqu’à ce que ça devienne une habitude, même si j’aurais aimé que ça soit aussi simple. Je veux dire qu’un jour j’ai pris la décision réfléchie de ne plus revenir. Un jour je suis revenue de l’église, j’ai enlevé mes chaussures, je me suis assise sur une chaise dans mon bureau et j’ai décidé que c’était fini. J’en avais marre de me tortiller sur ma chaise pendant les classes des doctrines de l’Eglise. J’en avais marre de partager mes sentiments issus de mes épreuves à chaque discussion à la Société de Secours. J’en avais marre de tourner en rond après trois heures de réunions pour récupérer une feuille de présence, marre de passer des heures à préparer et à ranger après les activités, et marre de me sentir épuisée et trompée. J’en avais marre d’être le dimanche soir plus épuisée spirituellement qu’au début de la journée. J’en avais même marre de me demander ce que je faisais là pour commencer. J’en avais marre d’essayer de rattraper mes erreurs. 

J’en avais marre d’être une hypocrite.

« S’il y a une chose que j’ai apprise avec le temps, c’est que les gens vous pardonneront. Mais ils oublieront rarement. »

Vous voyez, j’avais fait une erreur. Et même une grosse. Et bien que je savais que je n’étais pas la seule fille qui avait dû confesser ses erreurs, c’était bien la première fois que j’avais dû le faire. En fait, je me souviens très bien seulement quelques années auparavant être assise pour un bref entretien familial avec le nouvel évêque en lui affirmant :

« Croyez-moi, nous allons bien. Nous ne sommes pas l’une de ces familles pour laquelle vous devez vous inquiéter. Tout va bien pour nous. »

En effet, nous étions présidents d’auxiliaires et de prêtrise, et instructeurs, et conseillers et membres missionnaires et l’une des familles les plus fortes de la paroisse. Nous ne venions pas juste à l’église, nous étions responsables de la quasi-totalité des activités et des projets depuis les leçons sur les réserves alimentaires jusqu’au camp de Jeunes Filles, en passant par l’activité de Noel de paroisse. 

Et ce n’était pas tout. Même au sein de notre propre famille nous faisions tout ce que nous étions  “supposés faire”, depuis les soirées familiales jusqu’aux études des écritures, en passant par inviter les missionnaires à manger chaque semaine. Nous étions une inspiration pour les autres. J’étais une inspiration pour les autres. Pas seulement en raison de ce que je faisais, pas seulement en raison des leçons que j’enseignais ou les activités que je mettais en place, mais en raison de ce que je croyais. Je croyais et comprenais et j’avais un témoignage personnel profond de concepts que les gens passaient leur vie entière à essayer de comprendre sans y parvenir.

Et je ne faisais pas que croire. Je savais… J’avais vu et j’avais ressenti et j’avais vécu.

Et en un clin d’œil, tout était parti. 

En regardant en arrière maintenant, je ne pourrais pas vous décrire le chemin qui a conduit à ma chute. Je ne pourrais pas vous dire à quel moment exact tout s’est effondré, ou bien même combien de temps l’adversaire avait travaillé sur moi avant que cela ne m’arrive. Vous pourriez dire que cela a pris des années. Plus précisément, cela a pris toute une vie. Mais en fin de compte le résultat était le même. En fin de compte, après une série de choix insignifiants, après un sombre enchainement d’erreurs, de rébellion, de fainéantise et d’orgueil, je suis tombée.

Et je suis tombée dur.

A un moment, j’avais une décision à prendre. Je savais que ce que je faisais n’était pas bien et je ne pouvais pas continuer sur ce chemin. Du moins, pas dans cette direction. Mais je devais faire un choix concernant la prochaine direction que je devrais prendre. Heureusement, par la grâce du Tout Puissant, je pouvais toujours ressentir l’influence de l’Esprit assez fort pour vouloir faire le bon choix. Alors j’ai prié. Je suis allé à la conférence de Pieu. J’ai écouté. J’ai obtenu une réponse. J’ai agis en conséquence. Et c’est là que le vrai travail a commencé.

Le processus de repentance était épuisant. Devoir régler les choses avec mon mari, les entretiens avec l’évêque et ne pas prendre la Sainte Cène. Chaque moment était éprouvant. Chaque semaine était un rappel. Chaque jour je me réveillais et, pendant une courte seconde j’oubliais, puis soudainement j’étais submergée et noyée par ce fardeau. Certains jours je ne voulais pas sortir de mon lit. Le plus souvent je ne voulais pas me réveiller du tout. Mais j’ai essayé.

Je savais que cela, tout cela, ne pas pouvoir prendre la Sainte Cène et la division que j’avais causée au sein de ma famille, était de ma faute et je devais et j’étais déterminée à le régler. J’ai plongé dans mes responsabilités. Je me suis réengagée vis-à-vis de ma famille. J’ai repris mon rôle de maitresse au foyer. J’ai tout fait pour éviter de penser à ma culpabilité, à la douleur de savoir ce que j’avais fait et la peine que j’avais causée à tout le monde. J’ai construit des étagères et trié des crayons de couleurs. Et je l’ai fait avec une telle ferveur que j’étais sûre d’obtenir le pardon. J’étais sûre de pouvoir réparer mes erreurs.

Mais cela n’a pas marché. Je ne me sentais pas mieux. La douleur n’est pas partie. Pour personne. Ça a empiré.

TOUCHER LE FOND

C’est là que j’ai abandonné. Après des mois et des mois de travail, après m’être poussée jusqu’à l’épuisement physique et émotionnel, après avoir abandonné l’écriture, et après avoir tourné le dos à tout ce qui faisait de moi moi pratiquement sans résultats, c’était fini. J’en ai tiré une conclusion :

Certains os ne se reconstruisent pas.  

Certaines blessures ne guérissent jamais.  

Et, peu importe vos efforts, certaines choses ne peuvent jamais revenir telles qu’elles étaient avant.  

C’était fini. Les dégâts, à une grande, éternelle échelle, étaient fait irrévocablement. J’avais échoué à ma mission personnelle, et je ne pouvais rien y faire. Je devais accepter cette réalité…

       « Tu ne peux pas le faire.
          Tu n’es pas assez forte.
          Et tu ne le seras jamais. »

J’ai abandonné tout ce en quoi je croyais. Si je pouvais faire preuve de foi et faire le « bon choix », alors pourquoi cela continuait-il à me faire si mal ? Pourquoi les choses étaient-elles toujours aussi compliquées ? Pourquoi, alors que je faisais tout ce qu’on m’avait demandé et tout ce que j’étais censée faire, est ce que le processus de repentance ne marchait pas ? Qu’est-ce qui n’allait pas avec moi ? C’est là que j’ai décidé que j’étais une « ratée ». Que j’avais passé le point de non-retour. Et c’est là que j’ai abandonné. Je n’avais plus de témoignage. De rien. Je ne savais plus qui j’étais, ce que je faisais, ou même pourquoi j’étais là. J’ai renoncé, pas seulement aux concepts que j’avais connus et en lesquels j’avais cru toute ma vie. J’ai renoncé à moi-même. J’ai renoncé à la mortalité. S’en était fini.

Mon amour pour ma famille était la seule chose qui me faisait continuer. Peu importe ce que je croyais, je m’étais engagée vis-à-vis d’eux. J’ai donc fait de mon mieux pour m’occuper de moi-même, de mon foyer et de ma famille. Mais j’ai dû le faire avec peu ou pas de motivation, peu ou pas de foi en moi ou en quoi que ce soit, et en fin de compte, comme un moteur tournant à vide, je me suis grillé. J’ai toussé et je me suis étranglé et, dans une spirale infernale d’attentes irréalistes, de dépression, d’angoisse et de changements d’humeur incontrôlables, je me suis retrouvée en soins intensifs pendant trois jours. C’est à ce moment-là que j’ai dû admettre que mon « burn out » n’était pas seulement émotionnel et spirituel. Il était aussi psychologique.  J’étais littéralement écrasée au sol. Dans un trou profond, obscure et crasseux. Je ne pouvais pas aller plus bas.

COMMENCER À RECONSTRUIRE

C’est à ce moment que j’ai enfin commencé à guérir. Le diagnostic final ? Fortes crises de panique, accompagnées de poussées d’angoisse, et renforcées de fortes fluctuations hormonales. J’étais devenue si préoccupée de vivre selon les attentes de chacun (y compris les miennes) que j’étais terrifiée à l’idée de ne pas y parvenir. J’ai réussi à convaincre mon docteur d’arrêter mes visites d’urgence à l’hôpital, en promettant d’aller consulter un thérapeute et un psychiatre. Je suis allée difficilement à tous mes rendez-vous, j’ai passé des tests pénibles et pris différents traitements, assisté religieusement (parfois plusieurs fois par semaine) à des thérapies pour parler de mon « enfance difficile » et de ses conséquences, et pratiqué des techniques pour pouvoir « supporter », en obtenant des résultats en dents de scie. J’ai accepté de laisser les autres prendre des décisions pour moi, essayé de garder le sourire pour ne pas laisser les autres deviner mes épreuves, et pris mes médicaments comme une bonne petite patiente.  

Et après un moment, à ma grande surprise, ça a commencé à fonctionner. Petit à petit je suis revenue à la vie. J’ai dû faire des sacrifices, changer de style de vie et de régime alimentaire, changer ma façon de voir les choses, et oublier les attentes des autres, mais cela marchait. Cela faisait très, très longtemps que je ne m’étais pas sentie aussi bien. Après quelques mois les crises d’angoisse ont tout simplement cessé, il ne restait que très peu de problèmes à régler et tout semblait revenir à la normale.

Enfin, presque tout.

Il manquait toujours quelque chose. Même si je me sentais beaucoup mieux, mon mari n’allait toujours pas bien, et nous avions toujours du mal à revenir à la tendre relation que nous avions jadis. Non pas que je n’en connaissais pas la cause. Josh avait évoqué à plusieurs reprises son envie de retourner à l’Eglise, pour avoir ce soutien spirituel. Mais en ce qui me concernait, je me sentais mieux que lorsque j’étais inactive dans l’Eglise et la dernière chose que je voulais était d’avoir des obligations et responsabilités, surtout que j’avais enfin trouvé un équilibre avec celles que j’avais déjà. Ou du moins, c’est ce que je ressentais.

En vérité, je ne me sentais toujours pas digne. C’est vrai que je pouvais gérer un foyer comme une machine bien huilée, être « mère poule » comme pas deux, et rester belle même les cheveux défaits avec un simple t-shirt pendant nos sorties en couple, mais je n’étais plus assez comme la femme mormone « typique ». Je ne pourrais plus participer à des discussions à la Société de Secours sans crise d’hyperventilation. Je ne pourrais plus ressentir l’Esprit pendant la Sainte Cène. Je ne faisais plus partie de cette élite dont l’évêque n’avait pas à se soucier. J’avais accepté intérieurement le fait que je n’irai pas au Royaume Céleste. Mais pour les gens de l’extérieur, j’étais Super Woman, et je ne voulais pas être contrainte à admettre que ce n’était pas le cas.

RETROUVER L’ESPOIR

Ce n’est que lorsque l’une de mes meilleures amies m’a forcé à réfléchir sérieusement à ce que je recherchais toujours si désespérément, que j’ai réalisé de quoi il s’agissait. Ce n’est que lorsque je n’avais plus d’autre choix que d’analyser sa façon de voir que j’ai dû être confrontée à la mienne. Et se faisant, deux mots continuaient à résonner du discours que Président Keogh avait prononcé à la Conférence de Pieu presque 18 mois plus tôt. Ce discours qui avait répondu à ma prière et qui m’avait inspiré à faire le bon choix au départ. « Laissez filer ce que vous pensez vouloir », dit-il.

Laisser. Filer.

Deux simples mots qui, pour moi, ont tellement de sens. Il était temps de laisser filer. D’admettre que j’avais eu raison il y a tellement de mois de cela. Que je n’étais pas assez bonne, et que je ne le serai jamais. Que peu importe à quel point je me sentais « capable », je ne pourrais pas réussir.

Et c’était bien comme ça.

          « Tu ne peux pas le faire  Tu n’es pas assez forte. Et tu ne le seras jamais… Du moins, PAS TOUTE SEULE ».

J’ai lu une fois que la raison pour laquelle Satan est si fort pour tromper est parce qu’il se sert de la vérité. La vérité, à laquelle il ajoute un simple petit mensonge. Pour moi, ce mensonge était que je devais me débrouiller toute seule. Que si je ne pouvais pas le faire seule, que si je ne pouvais pas traverser la mortalité par mes propres moyens, alors j’étais une « ratée ». Que j’étais assez forte… assez spéciale… que j’étais assez « élite » … et que j’étais assez différente pour me reposer sur ma propre compréhension des choses. Que malgré ma compréhension faillible, imparfaite et orgueilleuse, je savais mieux que Lui. Que je contrôlais la situation.

Qu’est-ce qui me passait par la tête ?

J’ai besoin de lui ! J’ai besoin de l’évangile. Et j’ai absolument besoin de l’Esprit. Je peux le faire. Mais pas dans mon état de mortelle. Pas en me croyant géniale et en pensant tout connaitre. La partie divine de moi-même. La partie éternelle emprisonnée à l’intérieur de ce corps imparfait et qui attend désespérément d’être renforcé spirituellement. Celle que j’ai toujours été censée être ;

FAIRE LA PAIX AVEC MES IMPERFECTIONS

Et pour y arriver, je dois d’abord lâcher du lest. Je dois laisser filer ce que je pense vouloir. Je dois laisser filer ma vision de ce que les choses devraient être. Je dois laisser filer mes attentes et mes inhibitions. Je dois laisser filer ma compréhension et mes interprétations. Je dois laisser filer mon contrôle imaginaire des choses. Je dois laisser filer la manière dont je pense que les choses devraient se passer et avoir confiance dans le fait que celui qui a le contrôle sait ce qu’il fait

Je n’avais jamais compris jusqu’au moment de cette réalisation, ce que voulait dire avoir un cœur brisé et un esprit contrit. A cause de ma personnalité orgueilleuse et rebelle, j’ai dû être littéralement assommée avant de le comprendre. En définitive, j’ai quitté l’Eglise parce que je ne pensais pas être à la hauteur. Ce que je ne savais pas c’était que je n’étais pas là parce que j’étais un leader ou une inspiration pour les autres. Je n’étais pas là simplement pour que les autres puissent apprendre de moi. Je n’étais pas là pour partager ma grande connaissance et mon point de vue. Je n’étais pas là parce que j’étais parfaite.

J’étais là parce que je n’étais rien de tout cela.

Et j’étais là parce que, à travers Lui, je pouvais encore le devenir.

 


Article écrit par S.C. Sutton et publié dans LDSliving traduit par Samuel Babin