Quand je suis devenue mormone à seize ans à Los Angeles, je n’étais pas une convertie du judaïsme. J’ai vraiment compris que j’étais juive à vingt et un ans, quand j’ai fait un voyage « à l’est » et que j’y ai rencontré des membres de ma famille. Même si j’étais restée collée à la radio jour et nuit durant la Guerre des Six Jours, je n’avais ressenti qu’une lointaine connexion. Quelqu’un avait parlé de l’héritage juif de mon père, mais, à l’est, c’était la famille de ma mère qui m’accueillait en Yiddish.

Il était alors trop tard pour revenir à mes origines juives en termes de religion. Seulement quelques mois me séparaient de mon mariage avec un jeune mormon qui rentrait de mission, j’avais passé des années à l’Université Brigham Young, et j’étais très attachée à la religion que j’avais adoptée. Mais nul doute que j’allais réclamer ce qui m’avais été refusé, culturellement parlant, par des parents tellement intégrés, que chez nous, la science avait pris le pas sur le reste.

Oui, mon père était un spécialiste des fusées, il avait donc une excuse, mais ma mère disait qu’elle était catholique. J’ai commencé à me souvenir que je ne l’avais jamais vue aller à l’église. Je me suis rappelée que son opération du nez, pour corriger une déviation de la cloison nasale, avait aussi diminué la taille de son « nez juif ». Nous étions devenus des Californiens du Sud en sacrifiant la fidélité à la religion juive de nombreuses générations qui nous avaient précédés.

Le manque de spiritualité dans notre foyer avait laissé un vide en moi, et à quinze ans, j’étais à la recherche de Dieu.

À la découverte du judaïsme

Après mon mariage, j’ai commencé à étudier sérieusement le judaïsme, et j’ai été surprise de découvrir ses points communs avec le mormonisme. L’Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours considère être l’église chrétienne primitive rétablie, mais elle est bien plus que ça. Elle traverse le temps, s’insérant dans la Torah et le mysticisme juif.

Dans The American Religion (1991), Harold Bloom a dit : « …[Joseph] Smith et ses apôtres ont réaffirmé ce que Moshe Idel, notre grand spécialiste contemporain de la cabale, m’a persuadé être la religion juive antique ou originelle, un judaïsme qui a même précédé le Yahviste, l’auteur des premières histoires de ce que l’on appelle aujourd’hui les Cinq Livres de Moïse… Le Dieu de Joseph Smith est un retour audacieux du dieu de quelques-uns des Cabalistes et Gnostiques, des sages prophétiques qui, comme Smith lui-même, ont affirmé être retournés à la vraie religion de Yahvé ou Jéhovah ».

C’est ce que j’ai commencé à découvrir. Joseph Smith, le premier prophète du « rétablissement », avait toujours vécu dans l’Ouest, n’avait passé que trois ans à l’école élémentaire, et pouvait à peine écrire une phrase entière (sans parler d’orthographe). Pourtant, il était là à me guider dans le judaïsme ancestral.

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J’en suis arrivée au point où l’étude des deux religions ne me suffisait plus. En 1983, notre famille mormone a quitté Salt Lake City pour aller s’installer à Jérusalem. Nous avons inscrit nos enfants dans des écoles israéliennes, nous avons réussi à avoir un visa de travail pendant huit ans, pour finalement partir à Chypre pour une nouvelle aventure après la première Guerre du Golfe. Nous avons eu notre sixième et dernier enfant (les Mormons sont féconds) à Jérusalem Nord. Son certificat de naissance qui enregistre une naissance d’Américain à l’étranger, indique qu’elle ne peut pas obtenir la nationalité parce qu’elle est chrétienne.

Nous parlons tous plus ou moins couramment l’hébreu. Nous faisons une grande fête pour la Pâque (juive). Nous avons vécu dans quatre pays, mais c’est à Jérusalem que nous nous sentons chez nous. Nous chantons en hébreu lors des fêtes d’anniversaire. Nous faisons notre propre houmous. J’enseigne la Bible à l’École du Dimanche et je rends « l’Ancien Testament » aussi vivant que possible. J’ai écrit un livre pour les Mormons sur les grandes fêtes juives. Et la vie continue ainsi…

Nous sommes vraiment une famille « juive-mormone ». Nous sommes uniques, mais pas seuls. Il y a peu d’anciens juifs convertis au mormonisme, mais nous nous retrouvons régulièrement. Nous avons un club, le B’nai Shalom, dont les membres se rassemblent à Salt Lake City et Seattle juste avant les conférences générales mormones en avril et en octobre. Nous ressentons tous que c’est notre responsabilité spirituelle d’être aussi juifs que possible, tout en étant fidèles à nos croyances et alliances mormones. C’est plus facile qu’on ne pourrait le penser. En fait, ça semble totalement naturel.

 


L’article original a été écrit par Gale Boyd et publié sous le titre « A Look Into My Mormon Jewish Life » sur le site Forward.