Quand le temple de Paris sera consacré ce 21 mai, quarante années se seront écoulées depuis l’annonce du projet de sa construction ; c’est le temps que Moïse et les enfants d’Israël ont passé à errer dans le désert, et ça n’a pas échappé aux membres français qui ont espéré un temple sur leur territoire pendant toutes ces années.

Cette consécration n’est pas une chose insignifiante, mais plutôt un véritable chef d’œuvre de patience et de dur labeur durant des décennies. Ceux d’entre nous qui jouissent des bénédictions d’avoir des temples à proximité, n’ont pas vraiment idée des compétences, du travail, de la foi et de l’habileté requis des dirigeants de l’Église en première ligne pour obtenir un temple. Nous ne voyons pas les miracles qui se sont discrètement produits pour apporter un temple à un peuple.

Les dirigeants auraient facilement pu se décourager depuis longtemps si le projet avait été moins important ou moins noble. Ce dimanche, la consécration de ce temple, à quelques pas du célèbre château de Versailles, ressemble donc au triomphe du dévouement et de la constance dans une situation désespérée.

Bien entendu, étant donné que les prophètes avaient annoncé ce temple, la situation n’était pas désespérée du tout. Mais quel travail !

Revenir au début de la construction du temple de Paris

La première fois que Spencer W. Kimball fit allusion à la construction d’un temple en France était le 1er août 1976. Puis, le 4 juin 1998, Gordon B. Hinckley, pendant un séjour en Europe, déclara à quelque deux mille quatre cents membres de France qu’il rencontra : « Quand je suis venu ici après la guerre, il y avait peu de membres de l’Église, aujourd’hui vous êtes trente mille. Je ne veux pas vous donner de faux espoirs, mais le moment où vous méritez d’avoir un temple est venu, nous allons chercher un lieu pour en construire un. Je ne sais pas combien de temps cela prendra de trouver un site qui conviendra.

« Je vous invite tous, mes frères et sœurs, à implorer le Seigneur dans vos prières personnelles pour nous indiquer un terrain dans cette grande ville, ou ses environs, où nous pourrons bâtir une maison du Seigneur afin que vous n’ayez plus besoin de faire cinq heures de route pour aller à Francfort ou six heures pour Zollikofen. »

Le temps a passé et les gens s’interrogeaient sur la construction du temple de Paris. Puis, en mai 2004, le Président Hinckley rencontra à nouveau des membres en France, et dit, en parlant de la prochaine consécration du temple de Manhattan à New York : « J’aimerais pouvoir annoncer que nous pourrons avoir un temple ici, mais nous n’avons pas encore de site qui, selon moi, convienne à sa construction. Nous allons donc continuer à chercher. Je ne sais pas quand il sera construit, mais je suis certain que, dans l’avenir, nous aurons un temple pour les membres francophones de l’Église ».

Il ajouta : « Vous êtes dignes de recevoir toutes les bénédictions que cette Église a à offrir. Et il n’y a aucune bénédiction plus grande que la maison du Seigneur ».

L’espoir a de nouveau été ravivé lors de la conférence générale d’avril 2006 quand les médias français ont révélé que l’Église s’intéressait à l’acquisition d’un très grand terrain dans les environs de Versailles, d’une surface d’environ un tiers de la petite ville de Villepreux. Selon leurs informations, ce terrain était destiné à la construction d’un temple.

Les propriétaires du terrain avaient dit qu’il y avait trois acquéreurs potentiels, un émir arabe, un Russe, et les Mormons. Le maire de Villepreux avait dit qu’il préférait les Mormons. Il disait que « les membres de l’Église n’ont jamais troublé l’ordre public ».

Pourtant, il n’y eut aucune annonce concernant le temple, et finalement, l’Église n’a pas réussi à acheter le terrain.

Enfin, le 1er octobre 2011, lors de la session d’ouverture de la conférence générale, Thomas S. Monson a déclaré : « Nous progressons dans notre projet de construction d’un temple à Paris, en France ». Malgré cette merveilleuse annonce, il restait en fait encore un long chemin à parcourir.

Matthieu Bennasar

Matthieu Bennasar, soixante-dix d’interrégion en France a dit : « Ce serait un énorme euphémisme de dire que les gens étaient impatients d’avoir un temple. Des gens comme nos parents priaient déjà pour avoir un temple en France quand nous étions enfants. Je me souviens de discussions autour de la table sur le jour où il y aurait un temple dans notre pays. [Il a 42 ans.]

« Nous comprenons pourquoi cela a pris autant de temps et ce pour de multiples raisons. L’aspect technique, car il fallait trouver un terrain qui convienne à un tel projet. L’aspect plus politique, car il était nécessaire d’avoir le soutien des maires et des dirigeants de la collectivité.

« Mais je crois que cette longue attente a aussi préparé les membres de l’Église français de la même manière que les Israélites ont été mis à l’épreuve et préparés sur une génération en traversant le désert pour arriver en terre promise. Pendant cette période, les membres ont été fortifiés, leur foi s’est consolidée, et leur spiritualité s’est développée. Aujourd’hui, nous avons des membres qui, régulièrement, prennent la route pendant dix heures pour aller au temple. Cette attente a implanté une base forte de membres assidus au culte du temple qui sont prêts à servir. »

Bien qu’il n’y ait que trente-huit mille membres en France, l’Église a plusieurs générations de membres émérites et forts, ainsi que des nouveaux convertis pleins d’énergie, qui sont tous prêts pour un temple.

Elder Doug Todd, qui sert avec sa femme, Pauline, en tant que missionnaire pour la construction, est présent sur le site depuis le 1er octobre 2013. Il a dit : « En France, la construction d’un temple doit répondre à des conditions particulières. Il faut montrer ce que l’on va construire pour obtenir les autorisations, mais on ne peut pas soumettre ses plans tant que l’on n’est pas propriétaire du terrain, et après votre projet peut encore être rejeté. La procédure est longue et compliquée. Je crois que l’Église a envisagé et fait des démarches préalables pour plus de quatre-vingt-dix sites. C’est sûrement un record. Certains sites étaient assortis de conditions. D’autres avaient des problèmes complexes. Parfois ça prend du temps de trouver le bon. » (Remarque : les Todd sont dans leur quatrième année de mission, détrônant presque les fils de Mosiah.).

« Il y a eu de magnifiques sites, affirme Elder Todd, mais aucun ne tenait la comparaison avec celui-ci ». Le temple est situé dans une rue bordée d’arbres au Chesnay, tout près de Versailles. L’importance historique des environs apporte l’assurance que la beauté du quartier sera préservée.

l'Arc de triomphe et un drapeau français

Deux champions

Pendant les démarches pour l’acquisition du site, deux champions se sont révélés et ont permis au projet d’aboutir. Le premier fut un promoteur immobilier qui facilita le rapprochement entre le propriétaire du bien et l’Église. Un accord verbal avait été conclu sur le projet et le prix, mais avant que les papiers soient signés, quelqu’un se présenta avec une meilleure offre. Ses chefs ont dit que c’était une meilleure affaire pour eux et qu’ils allaient annuler l’accord passé. Mais le promoteur répondit qu’il avait donné sa parole aux Mormons et qu’il devait la tenir.

La situation devint si tendue pour lui, qu’il préféra trouver un autre emploi plutôt que de renoncer à son intégrité et trahir sa parole.

Le maire du Chesnay, Philippe Brillault, fut le deuxième champion. Il faut expliquer la place de la religion en France pour apprécier le rôle qu’il a joué. La France est un pays laïc qui a une relation avec la religion que l’on pourrait qualifier de « honteuse ». Il existe un sentiment de défiance face à la religion, et bien que beaucoup de gens croient en Dieu, ils se méfient des églises en tant qu’institutions. C’est un héritage de leur histoire. La révolution française a été une bataille contre le pouvoir et la corruption de l’église.

En France, si un maire ne veut pas de votre construction dans sa ville, elle ne verra jamais le jour. Il peut trouver des motifs pour faire barrage à votre projet. Il ou elle peut trouver quelque chose contre vous. Votre projet engendrera trop de bruit dans le quartier ou trop de circulation. Le projet, sur lequel vous travaillez depuis des mois, peut être complètement stoppé par des excuses et des obstacles.

Ramon Lopez

Quand on a demandé à Ramon Lopez, le chef de projet pour le temple de Paris, s’il avait vu des miracles pendant la construction du temple, il a répondu : « Je dois dire que trouver le bon emplacement pour construire le temple est un miracle parce qu’il est très difficile d’avoir le soutien de la mairie et du maire. L’Église a envisagé d’autres possibilités, mais elle n’avait pas l’appui de la mairie, et le maire retirait son soutien avant la fin de la procédure ».

Le rôle de Philippe Brillault a été essentiel. Lors de la visite des personnalités aux portes ouvertes du temple, devant une centaine de responsables politiques, des affaires et de l’Église, il remercia « toutes les personnes qui avaient changé d’avis sur le projet, en commençant par [lui]-même ».

Matthieu Bennasar a expliqué : « La rencontre avec le maire du Chesnay a été déterminante. Il a une forte personnalité. J’ai participé à des réunions avec lui dans lesquelles il a dû faire face à la critique par rapport à la possibilité d’avoir le temple au Chesnay. Ces critiques venaient de son propre camp, notamment de personnes qui voulaient son poste. Il est resté fidèle à sa parole.

« Il a affirmé qu’il discuterait avec les Mormons comme il le ferait avec n’importe qui d’autre. »

Ramon Lopez a ajouté : « Il a pris beaucoup de risques pour nous. Des gens ont publié des prospectus contre lui qui disaient qu’il accueillait les Mormons et qu’il fallait le limoger. Il n’a pas cédé. C’est un homme intelligent, un stratège hors pair. Il est exceptionnel ».

Le fait que le temple ait été construit dans un haut lieu du catholicisme en France rend l’exploit encore plus remarquable. S’il reste un endroit dans ce pays où la religion est encore importante, c’est bien là. Philippe Brillault a pris le temps de se renseigner sur l’Église, et quand il a compris qui étaient les Saints des Derniers Jours, il est resté ferme quand on s’opposait violemment à lui, y compris via la justice.

Matthieu Bennasar a déclaré : C’est un homme juste qui s’est montré droit et dépourvu de préjugés envers l’Église ». Entre parenthèses, il a été réélu à son poste.

Ramon Lopez a dit : « Nous avons été patients. Nous avions la foi et nous avons trouvé le bon emplacement. C’est un quartier agréable, proche d’un monument symbolique de France. La patience était la vertu à avoir pour en arriver là ».

vitraux du temple de Paris vus depuis les jardins

L’excellence exigée

La construction du temple en elle-même impose de nouveaux défis, même aux constructeurs les plus expérimentés. Bouygues, probablement le deuxième plus gros entrepreneur de France, a été choisi pour ce chantier. Cependant quelques soient les édifices déjà construits par ce groupe, le temple se situe à un tout autre niveau d’excellence.

Ramon Lopez a expliqué : « L’Église est très claire. On les a emmenés voir huit projets de temple, afin qu’ils puissent comprendre et répondre aux attentes de l’Église ». Le temple étant construit pour être la maison du Seigneur, il n’existe aucun bâtiment au monde qui soit édifié avec un tel niveau de perfection et de qualité.

Cela signifie que beaucoup de choses ont été faites et refaites pour atteindre ce niveau. La barre est placée toujours plus haut. Par exemple, les tailleurs de pierre n’avaient jamais travaillé avec autant de précision. Il y avait un plan, la dimension de toutes les pierres était identifiée, puis elles étaient extraites au Portugal. Elles étaient alors toutes numérotées puis assemblées comme un puzzle afin que l’harmonie des couleurs soit parfaite.

Elder Todd a raconté que de nombreuses choses avaient parues insurmontables. Il avait un tableau blanc sur lequel il notait les avancements de la construction. Il y avait tellement d’obstacles et de défis à relever que parfois il se demandait : « Qu’est-ce qui pourrait aller de travers maintenant ? ». Il a fini par faire une colonne sur la droite de son tableau qu’il appela ‘La surprise du jour’.

A mesure que le projet avançait, cela devint une source de force spirituelle pour lui. Il a expliqué pourquoi : « De nombreuses fois, cette surprise qui semblait être un déplaisant concours de circonstances, s’est avérée être un mal pour un bien. Cela arrive dans notre vie: notre Père céleste nous fait une faveur, pourtant nous avons l’impression qu’il nous arrive une catastrophe. Mais quand on prend du recul, on s’aperçoit qu’il fallait que cela arrive pour que la bonne chose puisse s’accomplir ».

Soeur Pauline Todd est missionnaire sur le site du temple de Paris

Sœur Pauline Todd a dit : « J’ai appris à maintes reprises que les miracles sont dans les détails ».

Comme le site du temple ne fait que 12 000 m², un espace exigu pour un bâtiment de 4 000 m² et ses jardins, il n’y avait pas de place pour stocker les matériaux de construction. Il fallait les entreposer ailleurs et les apporter avec une grue, au moment précis où les ouvriers en avaient besoin.

Il a fallu travailler avec les restrictions de hauteur imposées par la ville. Le temple n’a donc ni flèche, ni ange Moroni à son sommet. A la place, le puissant Christus, la statue de Bertel Thorvaldsen orne le jardin, comme un rappel de l’objectif du temple. Le Christus se dresse comme un phare pour rappeler aux voisins que les Mormons sont chrétiens.

Les murs du temple font tout le tour de la propriété.

Finalement, tous les obstacles ont été surmontés, et le bâtiment est vraiment parfait. Après quarante années, il y a un temple à Paris. Tous les membres qui ont désiré ardemment ce temple et ont vécu leur traversée du désert pour voir ce désir comblé ont bâti une Maison du Seigneur.

la construction du temple de Paris a été longue mais le résultat est grandiose

Après qu’il ait visité le temple de Paris, le Président Uchtdorf a déclaré : « La construction d’un temple prend du temps et demande de la préparation. Cela demande une construction soignée et nécessite les meilleurs matériaux et savoir-faire. Que pouvons-nous faire pour nous préparer à être digne de ces bénédictions ? … Nous devons remplir les mêmes conditions ».

Après sa visite du temple, Neil L. Andersen a écrit sur sa page Facebook : « Le temple qui sera consacré en mai est magnifique. Sa beauté est à couper le souffle. Mais ce qui m’a le plus impressionné cette semaine dépasse la beauté de ce bâtiment éblouissant.

« Quand je visitais le temple avec d’autres personnes et que je marchais dans ses couloirs, j’ai eu la nette impression que le Seigneur préparait quelque chose de très important dans cette partie du monde. Le rôle du temple dans le plan du Seigneur est évident. Le temple sera consacré pour être la maison des ordonnances éternelles. C’est littéralement Sa maison. L’influence de ce don spirituel sur cette ville et ce pays est réelle.

« Le temple ne se situe qu’à quelques centaines de mètres de l’extraordinaire château de Versailles, qui fut transformé par le roi Louis XIV et sa famille en un domaine hors normes, avec ses beaux jardins à la française et à l’anglaise. Bien que le château soit impressionnant, son influence s’est atténuée à la disparition du Roi Soleil et de sa cour.

Sous la direction de Dieu le Père, Jésus-Christ est le créateur du soleil, de la lune et des étoiles. Il est le Roi des rois, le Sauveur du monde. La puissance de sa maison ne s’éteindra jamais. Elle subsistera pour toute l’éternité. »

 

Article écrit par Scot et Maurine Proctor, le 15 mai 2017, sur LDSMag sous le titre Why the Paris Temple was 40 Years in the Making. Traduction par Christine.