Il est presque 23h00 dans le calme village du Chesnay près de Paris. Les lumières sont éteintes dans les maisons alentours et la circulation s’est calmée alors que la plupart des gens sont rentrés chez eux depuis longtemps.
Nous faisons le tour du temple de Paris pour prendre quelques photos de nuit, avec l’espoir de capturer les fleurs des vitraux quand la lumière passe au travers. Nous restons derrière les grilles qui sont maintenant fermées pour la nuit, recherchant de bons angles, à l’affut des clichés qui retranscriront sa resplendissante beauté.
Mais autre chose attire notre attention, quelque chose qui restera dans notre cœur aussi longtemps que la majesté du temple. Dans le jardin, il y a une mère avec son jeune enfant. Ne sait-elle pas qu’il est tard ?
Nous avons vaguement vu d’autres Saints des Derniers Jours par les fenêtres du temple. Chaque soir, après l’effervescence d’une journée portes ouvertes, quarante personnes viennent nettoyer le temple et les jardins pour être sûr que tout sera parfait pour le lendemain.
De notre position, à l’extérieur du mur, nous pouvons aussi voir les couloirs de la maison d’hôtes, qui se trouve aussi dans l’enceinte du temple. A l’étage, nous voyons un homme, il porte un costume gris et vérifie une pile de papiers. Lui aussi est en train de travailler pour le temple à cette heure indue. Ne sait-il pas qu’il est tard ?
Un étranger pourrait se demander combien ces gens sont payés, s’ils touchent une prime pour assurer le service de nuit. Il serait surpris d’apprendre que toutes ces personnes sont bénévoles. Aucun membre de l’Église ne serait surpris car il comprendrait pourquoi des hommes et des femmes sont prêts à veiller tard pour nettoyer un bâtiment qui en avait si peu besoin.
C’est ce que nous faisons par amour pour le Sauveur, un petit rien qui nous permet de commencer à exprimer notre reconnaissance débordante pour son expiation qui lui a tout coûté et qui nous a tout apporté. Ce don de travail et de dévouement que nous rendons n’est jamais aussi visible que quand un nouveau temple est construit, poussant les membres à sacrifier ce qu’ils peuvent par amour pour le Seigneur.
C’est très visible en France en ce moment.
Après les portes ouvertes et avant la consécration, les personnes chargées de l’entretien du temple vont en faire le tour avec des post-it, à la recherche de la moindre fissure dans les boiseries ou du plus petit accroc sur la peinture qui auraient pu être causés par la foule des visiteurs, et qui, par conséquent, doivent être refaits et améliorés avant la consécration. Chaque petit défaut sera gommé.
Le jardin fleuri
À leur grande surprise, les membres ont dû s’improviser jardiniers avant les premières portes ouvertes pour les VIP. Sur une partie des 12 000 m² du terrain se trouve un élégant jardin sur plusieurs niveaux, au cœur duquel trône un immense Christus. Dans ce jardin prévu pour respecter le style français, on a planté des arbres, des buissons, des arbustes, et beaucoup de bulbes.
Les voisins pourront venir profiter de ce jardin même après la consécration du temple.
La veille de la première journée des portes ouvertes pour les VIP, où de nombreuses personnalités étaient attendues, Neil L. Andersen, du collège des Douze, visita le temple pour la première fois. Le bâtiment était magnifique, mais les bulbes n’avaient pas encore fleuri, il trouva donc que le jardin manquait vraiment de fleurs.
Le souci était qu’on était en fin de journée et que les portes ouvertes étaient prévues pour le lendemain matin. Cela aurait pu être la panique générale, mais Ramon Lopez, le chef de projet, fit ce que font les Mormons. Il alla dans la jardinerie la plus proche, juste avant la fermeture, et acheta toutes les plantes fleuries qu’il y avait. Puis, bien entendu, il appela l’évêque pour lui demander de trouver des volontaires pour planter, le soir même, afin d’avoir un plus beau jardin le lendemain matin.
Gérard Giraud-Carrier, le nouveau président du temple a raconté : « En trente minutes, nous avions quarante personnes sur place. Ça a été une expérience mémorable pour eux. Les enfants étaient aussi affairés et aussi heureux que leurs parents de planter des fleurs dans les jardins du temple ».
Doug Barnes, qui sert avec sa femme, Karen, en tant que missionnaire au bureau de la mission de Paris, fait partie de ceux qui ont répondu à l’appel. Il avait un temps vendu des fleurs en Utah.
Ils déchargèrent des centaines et des centaines de godets de fleurs et quand tout le monde s’est rassemblé, le chef de projet a pointé Doug du doigt et a dit : « C’est lui le responsable. Il vous dira où aller et quoi planter. »
Il pensait que tout ce qu’il aurait à faire ce soir-là serait de déposer les assistants du président de mission, et soudain il se retrouvait responsable des opérations. « Ça m’a donné des frissons, a-t-il dit, tout ce dont j’étais sûr, c’était que les jardins à la française étaient symétriques.
« Tout à coup, j’avais des enfants de la Primaire qui m’apportaient des fleurs. Je disais que j’avais besoin de deux blanches et de trois roses et ils couraient pour me les apporter.
« Je suis rentré à 1h00 du matin, et j’ai dit à Karen : ‘Je crois que je viens de faire la chose la plus importante de ma mission. Je n’aurais jamais imaginé que ça puisse être ça.’
« Le lendemain matin quand Elder Andersen est venu, il a dit : ‘100% mieux’ ».
Ce soir-là, la France avait ses propres commandos, prêts à servir au pied levé.
Je suis tellement heureuse
Alexandra Beckley, une jeune femme au rire contagieux, est venue de Lyon pour aider pendant les portes ouvertes du temple. Elle a expliqué : « Aujourd’hui, je suis huissier, mais j’ai une mission différente chaque jour. C’est une grande bénédiction de faire partie de cette aventure. J’ai tellement prié, et j’ai jeûné pour travailler là où le Seigneur voulait que je serve. Le premier jour, je devais aider les gens à retirer leurs chaussons quand ils sortaient du temple. J’étais tellement heureuse.
« Je serais heureuse même si on me demandait de nettoyer les toilettes du temple, parce que je sais qu’il y aurait l’Esprit, a-t-elle ajouté.
« Cinq minutes après avoir pris mon premier poste, on m’a demandé de rendre mon témoignage sur la dîme. J’ai ressenti très fort l’Esprit et j’ai expliqué à quel point j’étais reconnaissante d’être membre de l’Église. Je sais qu’ils ont compris ».
Une très longue mission
Doug et Pauline Todd ont été missionnaires chargés d’aider pendant que le temple sortait de terre. Il a expliqué que son travail consistait à faciliter celui du chef de projet et que celui de sa femme était de noter tout ce qui se passait chaque jour.
Chaque matin, elle se levait, mettait un casque de chantier, des chaussures de sécurité et une veste fluo. Elle prenait aussi son appareil photo pour aller sur le site et photographier tous les détails de la construction. Elle a retracé l’évolution du chantier durant toute la construction à travers vingt mille photos et une vidéo. Elle a expliqué qu’elle écrivait un rapport hebdomadaire de son travail qu’elle illustrait avec des photos.
Elle a dit : « Notre bureau se trouvait à l’emplacement du jardin du président, c’était un bon point de vue pour la prise de photographies. Le X indique l’endroit, mais le X a bougé. Ils ont enlevé notre bureau ! ».
Leur expérience raconte l’histoire d’un dévouement exceptionnel. En 2010, ils étaient dans la mission de Genève pour servir au bureau quand, tout juste deux semaines avant la fin de leur mission, ils reçurent un coup de fil d’un ancien collègue de Fr. Todd. Ce dernier avait été l’architecte de l’Église dans l’interrégion d’Asie du Sud-Est, et avant cela, il avait travaillé au développement du centre commercial de City Creek.
On lui demanda s’ils seraient intéressés par une autre mission qui commencerait immédiatement, pour aider à la construction du temple de Paris. Ils n’avaient pas encore fait leurs valises pour rentrer chez eux qu’une autre mission se profilait devant eux. Les Todd acceptèrent.
Finalement, ils purent passer dix-huit mois chez eux, et ils arrivèrent à Paris pour commencer leur travail le 1er octobre 2013. Celui-ci se terminera lors de la consécration du temple en 2017. Faites le calcul. C’était une longue, très longue mission, qu’ils ont beaucoup aimé.
Certains pourraient se demander qui les a payés pour ce travail. Seuls les membres de l’Église savent qui l’a fait.
Un appel non imposé
Elder Matthieu Bennasar est un soixante-dix d’interrégion à qui on a aussi demandé s’il voulait bien présider au comité de consécration du temple, un rôle qui, en plus de son intendance au collège, est pour le moins intimidant. Ce comité est en charge de toute l’organisation des portes-ouvertes, du spectacle culturel qui réunira mille jeunes mormons de la France entière et deux cents de leurs dirigeants, et bien sûr de la consécration elle-même. Il est difficile de saisir la complexité et l’ampleur de la tâche pour qui n’a pas vu la logistique de près.
Quand il l’a appelé, Elder Patrick Kearon lui a dit : « Nous ne voulons pas vous faire crouler sous la charge ».
Elder Bennasar a raconté : « Dès qu’il a dit cela, je savais que je ne pouvais pas refuser. Je ne pouvais pas dire que je passais mon tour et le laissait à quelqu’un d’autre. »
« Il y a beaucoup de gens compétents dans l’Église, mais je savais qu’on m’offrait cette possibilité parce que mon père avait été un pionnier ici en France, et par respect pour tous ces pionniers, j’avais le sentiment que je ne pouvais qu’accepter. Je me suis dit que j’irai et ferai ce que le Seigneur voulait que je fasse ».
Quand Elder Bennasar pense au temple, c’est son père qui s’impose à son esprit. « Papa est décédé il y a trois ans, expliqua-t-il. Il faisait partie de ces gens qui se font littéralement un délice du temple. C’était là qu’il se sentait chez lui sur cette terre. Au temple, il était aux anges. Il avait été mis à part comme scelleur en 1979, et je pense qu’il désirait plus que quiconque qu’un temple soit construit en France. Si on avait pu examiner chaque particule de son cœur, celle qui aurait été blottie au plus profond, aurait été son désir que nous ayons un temple en France.
En novembre 2015, ma mère a été relevée de son appel de travailleuse au temple après quarante ans de service. Elle le faisait en plus de ses appels de présidente de la Société de Secours de pieu et d’instructrice du séminaire. Trois ans après leur baptême, mes parents sont allés au temple avec ma sœur pour être scellés. Chaque année, ils consacraient les trois quarts de leurs vacances au temple.
En travaillant à la préparation de la consécration du temple, j’ai ressenti l’influence de mon père. Parfois j’avais l’impression que je pouvais entendre ce qu’il pensait de la façon de faire telle ou telle chose, parce que son souvenir est très vivace en moi.
Quand j’accompagne des gens au temple et que je suis dans la salle de scellement, là où il se serait trouvé, c’est difficile de ne pas l’imaginer dans son costume blanc, de penser à sa manière de s’exprimer et de cocher la carte pour signifier que l’ordonnance avait été accomplie. »
Elder Bennasar a expliqué l’étendue de son rôle : « Je dois correspondre avec le département du temple. Je dois travailler avec les communications publiques et leurs comités. Je dois m’occuper des dirigeants de l’Église, mais aussi travailler avec le bureau de l’épiscopat président. Je dois correspondre et me coordonner avec les dirigeants locaux. Je peux avoir jusqu’à deux mille emails à traiter par mois. Cela implique de présider treize sous-comités en charge de la sécurité, du spectacle culturel, de l’accueil, et bien d’autres choses. C’est une tâche gigantesque ».
Tout ceci s’ajoute à un emploi à plein temps et à une famille de trois enfants.
Il a indiqué : « Je savais que nous allions nous noyer dans les détails pratiques, les préparatifs, les appels téléphoniques. Mais pour alléger ma charge, j’ai décidé de m’assurer de regarder vers l’avenir et la consécration, et en même temps de regarder vers le passé et d’y voir la réalisation d’une déclaration prophétique faite par des hommes qui détenaient les clés apostoliques et étaient autorisés à les utiliser. C’est réellement l’accomplissement d’une prophétie. »
À maintes reprises, il a dit avoir ressenti « un coup de pouce céleste pour le projet », par exemple, quand il a appelé treize personnes à la tête des sous-comités. « Je ne sais pas comment il est possible d’appeler treize personnes en quelques jours, pourtant, en deux semaines, l’organigramme était complet. J’y ai clairement vu la main de Dieu. »
Il a aussi parlé de son inquiétude passagère par rapport à son emploi du temps chargé. Il a raconté : « J’étais un peu inquiet à l’approche du 6 avril, premier jour des portes ouvertes pour les VIP parce que si je manquais un jour, je prenais du retard, et là, je partais pendant six jours pour la conférence générale. L’évêque Caussé m’a rassuré : ‘Le Seigneur veut ce temple. Penses-tu qu’il va l’abandonner maintenant ?’ Cela m’a permis de relacher un peu la pression. Je sais que nous devons faire notre part, mais le Seigneur fait le reste. Jusqu’à présent, c’est une incroyable réussite. »
Elder Bennasar a dit : « Les gens ont répondu avec tant d’enthousiasme. Nous avons dû refuser des volontaires parce que nous avions trop de monde. Tous les membres des sous-comités sont des gens dévoués qui travaillent dur. Ce sont des dirigeants saisonniers forts, qui se préparent avec soin pour s’acquitter de leur responsabilité. »
Il a aussi expliqué qu’il a reçu des leçons d’humilité à travers les réactions des membres à certaines demandes. « J’ai eu l’honneur de parler à quelques membres pour leur annoncer qu’ils seraient invités à assister à la consécration dans le temple et qu’ils pourraient profiter de la présence d’un membre de la Première Présidence. Toutes leurs réactions étaient empreintes d’émotion, mais même si ces membres savaient que c’était un honneur, ils répondaient : ‘J’aimerais beaucoup, mais je préfèrerais que ce couple plus âgé de ma paroisse prenne ma place.’ ». L’idée était que les couples plus âgés sont des pionniers qui ont attendu longtemps d’avoir un temple et qu’ils méritent de voir l’accomplissement de leur espoir.
Il nous a aimé le premier
Jean, l’apôtre bien-aimé du Christ, nous a enseigné : “ Nous l’aimons, parce qu’il nous a aimés le premier ” (1 Jean 4:19). Il n’y a probablement pas de plus grand déversement d’amour que dans le temple où tant de choses nous sont promises. C’est cet amour qui imprègne nos cellules et irradie notre âme de lumière, c’est cet amour auquel les Saints des Derniers Jours répondent, en exprimant à leur tour leur amour dans le service, en donnant librement. Cet amour n’a pas d’égal dans ce monde.
Alors que nous nous tenions à l’extérieur du temple ce soir-là, dans l’espoir de prendre quelques photos, nous avons vu les Saints en train de servir. Nous savions que les images de dévouement qui resteraient dans notre cœur ne peuvent pas être prises par des appareils photo.
Article original écrit par Scot et Maurine Proctor et publié 17 mai 2017 sur ldsmag.com sous le titre Paris France Temple: What We Do for Love. Traduction: Christine.