” Et nous arrivâmes au pays que nous appelâmes Abondance à cause de la grande quantité de ses fruits et aussi de son miel sauvage; et toutes ces choses furent préparées par le Seigneur afin que nous ne périssions pas “. 1 Néphi 17: 5
En tant que «clé de voûte» du mormonisme, le Livre de Mormon a attiré les attaques des critiques depuis le début du Rétablissement. L’un d’entre eux a commencé à publier des pages volées du manuscrit avant même qu’il ne soit imprimé pour la première fois, les utilisant pour ridiculiser ce nouveau livre et se moquer du jeune fermier qui affirmait qu’il l’avait traduit de plaques d’or. À partir de ce jour jusqu’à maintenant, ce livre a été critiqué sur presque tous les points. Cependant, peu de ces attaques ont été aussi véhémentes et soutenues que celles qui couvrent l’histoire de Néphi et de sa famille arrivant dans un lieu où il y avait une «grande quantité de … fruits et aussi de … miel sauvage» (1 Néphi 17: 5-6), ainsi que du bois qui convenait à la construction d’un bateau (1 Néphi 18:1-2).
Qu’un tel lieu puisse exister dans l’aride et inhospitalier désert d’Arabie semble impossible. “L’Arabie abonde en soleil, pétrole, sable, chaleur et air frais”, a écrit un critique en 1985, “mais certainement pas en « fruits, ni miel sauvage » et ne l’a pas été depuis l’époque du Pléistocène”. Le même article continuait affirmant qu’il n’y a jamais eu “beaucoup de bois” en Arabie pour la construction d’un bateau. 1 Ces déclarations sont fondées sur des sources généralement considérées expertes, telles que l’Encyclopaedia Britannica et l’Encyclopédie de l’Islam qui nient l’existence de rivières et de forêts où que ce soit en Arabie. 2
Il s’avère qu’ils ont complètement tort.
Descriptions des lieux
Voici comment la recherche, à proprement parler, en Arabie, a déjoué ces critiques de salon, révélant l’une des preuves les plus profondes à ce jour du Livre de Mormon et apporte un nouvel éclairage au récit de Néphi.
Pendant plus d’un siècle, les personnes qui croient au Livre de Mormon ont dû compter sur leur propre témoignage spirituel et déprendre de la foi, comme avec tant d’autres choses, au sujet de l’histoire de Néphi sur le pays d’Abondance. Il n’y avait tout simplement pas de preuves pour démontrer qu’un tel endroit puisse exister. Ni, jusqu’à tout récemment, que la recherche scientifique estimait même possible; la côte orientale de l’Arabie est partagée par l’Oman et le Yémen, deux pays effectivement fermés au monde extérieur jusqu’à ces dernières décennies. Les quelques explorateurs occidentaux qui ont pénétré les mystères de l’Arabie au 19ème et au début du 20ème siècle, des hommes tels que Bertram Thomas, Wendelle Phillips, Harry Philby et Wilfred Thesiger, avaient d’autres objectifs à l’esprit que de trouver un paradis côtier. Cela n’a pas aidé les choses lorsqu’en 1824 et 1833, un navire de topographie britannique, le Palinuris, a effectué le tracé de la côte sud de l’Arabie, amenant le principal géographe anglais, Andrew Crichton, à écrire en 1833 : “Toute la côte sud [de la péninsule arabique] est un mur de pierre dépouillé aussi triste et stérile que peut l’être un puit bien conçu”. 3
Des chercheurs SDJ, dont Hugh Nibley était le plus érudit, ne pouvaient compter que sur les écrits de ces premiers explorateurs lorsqu’ils avaient à faire à cette question. Dans son texte fondateur, Lehi in the desert, publié pour la première fois en 1950, Nibley s’est principalement appuyé sur la description, faite en 1932 par Bertrand Thomas, de la colline Qara aux “prés vallonnés” et de Salalah avec son arrière-pays aux “vallées boisées”, dans le Sud de l’Oman. 4
La plupart des gens, moi y compris, ont alors pensé qu’Abondance avait été trouvée. Cela n’a pas empêché, par ailleurs, à certaines spéculations mal renseignées de conduire à d’autres possibilités allant d’Aden, non loin du bout de la Péninsule arabique, aux Emirats Arabes Unis, à l’autre extrême, voire même à la Somalie, dans la Corne de l’Afrique.
Quelque chose de surprenant, qui n’avait pas été fait jusque-là aussi bien par des auteurs SDJ que non-SDJ, était de considérer systématiquement ce que le Livre de Mormon lui-même nous dit à propos d’Abondance. Se poser la question : “Qu’est-ce que le texte nous dit en réalité?” devrait être le point de départ de toute tentative sérieuse pour localiser un endroit sur la carte aujourd’hui. Le texte du Livre de Mormon n’offre en général que peu ou pas d’indications sur les emplacements géographiques, mais lorsque les références directes et implicites concernant « Abondance » sont examinées de plus près, une image étonnamment détaillée du lieu se révèle d’elle-même.
Premières étapes menant à Abondance
La première étape menant à cela est survenue lorsque Lynn et Hope Hilton, de Salt Lake City, ont été invités par le magazine Ensign pour tenter de visiter les régions potentielles où s’est déroulée l’histoire de Léhi. En janvier 1976, ils se sont rendus à Oman et ils ont pu visiter Salalah dans le Sud du pays pendant seulement 24 heures. Ils se sont ensuite rendus en Arabie Saoudite, en Jordanie et en Israël.
Leur voyage a été relaté dans la parution des mois de septembre et d’octobre 1976 de l’Ensign, 5 et plus tard, publié sous la forme d’un livre. 6 Sur la base des données limitées qu’ils ont pu recueillir, le travail des Hiltons a apporté un éclairage précieux sur les aspects culturels de la vie dans la Péninsule arabique. Ils ont quitté l’Oman avec le sentiment que la région de Salalah concordait, dans l’ensemble, avec la description d’« Abondance » faite par Néphi.
En 1984, j’ai commencé à explorer le Yémen dans le cadre de mes recherches sur « Nahom », l’endroit où Ismaël avait été enterré pendant le voyage dans le désert (1 Néphi 16:34) et il m’était venu à l’esprit d’essayer de voir « Abondance » dans l’Oman voisin. Il a fallu plusieurs années, mais on m’a finalement accordé un visa et je suis allé à Salalah, la capitale du Sud, en octobre 1987. Au départ, je n’avais aucune attente, hormis de simplement voir le pays d’Abondance de Néphi par moi-même. Cependant, après ma première journée à explorer les lieux, j’avais le sentiment que quelque chose n’allait pas.
Je me souviens être retourné dans ma chambre d’hôtel perplexe. J’étais sans aucun doute dans un bel endroit, rempli de plantations de noix de coco et de bananes, et j’avais vu les collines couvertes d’herbe que Nibley et Thomas avaient décrites. Ce qui m’a déconcerté c’est que la plus grande partie de la région était en réalité stérile, verte uniquement là où fonctionnait l’irrigation moderne. J’avais visité l’ancien port de Khor Rori et j’avais trouvé des ruines impressionnantes et des hautes falaises, mais là aussi c’était aride; il n’y avait que quelques mètres d’arrière-pays où des arbres et d’autres formes naturelles de végétation étaient présents. Les détails que Néphi décrit ne semblaient pas se trouver à un endroit spécifique, mais étaient dispersés sur plusieurs kilomètres. Certains, en fait, faisaient défaut.
Peut-être que les choses avaient changé depuis l’époque de Néphi. Il était temps pour moi de lire à nouveau Premier Néphi.
Lorsque j’ai relu le récit de Néphi avec une plus grande détermination qu’auparavant, il semblait flagrant qu’il contenait effectivement beaucoup plus de détails que mes lectures précédentes ne le montraient. J’ai commencé à prendre note de chaque aspect et à les analyser. Au cours de mes explorations suivantes, j’ai revisité toute la région de Salalah et j’ai commencé à poser des questions. Je commençais à me demander ce qu’il pouvait se trouver d’autre, plus loin le long de la côte orientale et occidentale. Personne ne semblait savoir. Il n’y avait pas de route pour aller plus loin.
J’ai franchi un cap lorsque j’ai parlé avec un pakistanais qui travaillait à Oman depuis plusieurs années. Il m’a dit qu’il avait vu lui-même de “grands” arbres plus à l’Ouest, mais les cartes étaient alors si rudimentaires que je n’arrivais pas à déterminer où se trouvait cet endroit. Mais, une fois encore, une porte s’est ouverte très légèrement et j’ai su qu’il fallait explorer le littoral – tout entier – jusqu’à ce que nous découvrions ce qui se trouvait au-delà. J’ai alors prévu d’y retourner l’année suivante et de poursuivre cet objectif.
Les critères de Néphi sur le pays d’Abondance
Entre-temps, ma liste des critères de Néphi s’est consolidée comme suit :
- Abondance est géographiquement liée à Nahom. Il se situe ” presque” à l’Est de Nahom (17:1), un emplacement qui est à présent identifié avec certitude dans le nord du Yémen. Néphi a utilisé des expressions similaires à celles qu’il avait utilisées auparavant pour décrire la direction de leur voyage depuis la Vallée de Lémuel (“dans une direction proche du sud-sud-est”, 16:13, 33). Compte tenu de sa capacité à déterminer avec précision les directions cardinales, on devrait s’attendre à ce qu’Abondance se situe proche du 16ème parallèle nord, à l’Est de Nahom.
- De toute évidence, le terrain devait permettre un accès raisonnable des déserts intérieurs jusqu’à la côte. À certains endroits, le long de la côte d’Arabie, le terrain est tellement accidenté que le voyage par voie terrestre à partir de l’intérieur est tout simplement impossible.
- L’utilisation par Néphi de l’expression ” pays d’Abondance ” suggère que ce n’était pas seulement l’endroit où les Léhites ont dressé leur camp qui était fertile, (1 Néphi 17:6), mais que toute la région, en général, devait également être très fertile (voir 1 Néphi 17:5, 7), rendant tous les autres candidats potentiels pour Abondance moins plausibles, car ils n’ont pas de zone fertile comparable qui les entoure.
- Le pays d’Abondance, logiquement sur la côte orientale de l’Arabie, se trouvait sur une région côtière (17:5), adaptée pour un premier campement dans des tentes au bord de la mer (17:6), mais aussi avec un abri à disposition sur un terrain plus élevé, pour des habitations plus solides. Il avait aussi à offrir un lieu adéquat pour la construction et la mise à l’eau d’un bateau d’une assez grande taille(18:8). Les grands navires ne peuvent pas facilement être construits en un an ou plus sur une plage exposée aux tempêtes de la mousson; Dans les temps anciens la solution la plus pratique était les rives protégées d’une crique ou d’un lagon à l’abri des marées et des tempêtes, tout en permettant un accès facile à l’océan.
- Le pays d’Abondance était beaucoup plus qu’un simple endroit adéquat pour construire et mettre un bateau à l’eau; il tire son nom de sa fertilité, en particulier de sa ” grande quantité de fruits ” et de miel(17:5-6, 18:6) et peut-être aussi du petit gibier qui pouvait y être chassé (18:6). Comme indiqué plus loin, au point n°11, il y a une forte probabilité pour que ce lieu fût inhabité lorsque Léhi est arrivé; cela signifierait que les fruits mentionnés n’étaient pas cultivés, mais qu’ils poussaient de façon sauvage. Le terme hébreu pour ” fruit ” désigne normalement un fruit comestible, et l’utilisation faite par Néphi du terme ” fruits ” peut impliquer qu’il n’y avait pas nécessairement une grande variété mais une grande quantité de fruits. La disponibilité immédiate apparente de fruits à leur arrivée peut expliquer l’absence de mention, faite par le groupe, de toute culture agricole au pays d’Abondance – contrairement à la description de leur arrivée plus tard dans le Nouveau Monde (18:24). Cependant, il est certain qu’ils aient cultivé et pêché pour avoir plus à manger lors de leur séjour au pays d’Abondance. Les chameaux de ce groupe, bien entendu, pouvaient toujours leur fournir du lait, des peaux, de la laine et de la viande tout au long de la période qu’ils ont passé au pays d’Abondance.
- Ils avaient à leur disposition suffisamment de bois, de types et de tailles différentes, pour leur permettre de construire un bateau capable de transporter plus d’une dizaine de personnes et d’être en état de naviguer pendant au moins un an (18:1,2). Bien que le teck ait été importé d’Inde pour la construction navale dans le Nord de l’Oman depuis le 3ème siècle avant J-C environ, il n’existe aucune preuve de construction de bateau dans le sud de l’Oman. Il est évident que cela implique que cet endroit ” préparé par le Seigneur ” possédait tout le matériel nécessaire pour construire un bateau sans avoir recours à du bois provenant d’ailleurs. Les termes utilisés au verset 18:1 donne l’impression qu’il y avait du bois à portée de main. Il est également intéressant de remarquer que Néphi utilise le pluriel lorsqu’il parle du bois, suggérant ainsi l’idée que plus d’un type de bois a été utilisé, ce qui est une pratique commune dans la construction navale.
- De l’eau douce disponible toute l’année était nécessaire pour la flore décrite dans ce lieu et requise également par le groupe pendant leur séjour prolongé, du fait de la construction du bateau, sans devoir dépenser beaucoup de temps et d’énergie pour la faire venir d’ailleurs.
- Une montagne, suffisamment distinctive pour justifier le fait que Néphi s’y réfère en disant simplement : “la montagne ” (17:7, 18:3) qui devait être assez proche du campement sur la côte pour lui permettre d’aller y ” prier souvent ” (18:3).
- L’événement où les frères de Néphi ont tenté de lui ôter la vie en le jetant dans les profondeurs de la mer (17:48) n’a guère de sens à moins qu’il y ait des falaises conséquentes, surplombant l’océan, d’où ils puissent le jeter. Les falaises ont généralement des rochers à leur base, du fait de l’érosion, et constituent un réel danger pour toute personne qui y tombe depuis une certaine hauteur, tandis qu’une plage de sable ne le serait pas, en particulier pour un jeune homme décrit comme étant ” d’une haute stature ” (2:16) et ” ayant beaucoup de force ” (4:31), quelle que soit son aptitude à nager.
- Du minerai à partir duquel on pouvait faire fondre du métal pour fabriquer des outils devait être disponible dans les environs (17: 9-11, 16), vraisemblablement avec un genre de silex(verset 11), sans doute proche de la source du minerai. Bien qu’il reste possible qu’il ait apporté du silex avec lui pour faire du feu, sa description implique que ces pierres étaient à disposition, ou tout près du lieu où se trouvait la source du minerai. Néphi ne donne pas de précision sur le métal qu’il a utilisé pour faire les hachettes, burins, marteaux, etc. dont il s’est servi, mais un alliage de fer semble être le plus probable.
- En dépit de l’attrait de cet endroit, le chapitre 17 de Premier Néphi est rempli d’éléments indiquant qu’Abondance n’avait sans doute pas ou peu de population y résidant, à cette époque, qui aurait pu participer au processus de construction du bateau en fournissant des outils et de la main d’oeuvre. Après tout, il a fallu une révélation spécifique pour montrer à Néphi où se trouvait le minerai (1 Néphi 17:9-10), puis il a consacré beaucoup d’efforts à localiser le minerai, à fabriquer des soufflets, à faire fondre le métal, puis à fabriquer les outils dont il allait avoir besoin. Ces éléments de base auraient certainement pu être facilement obtenus auprès de toute personne vivant dans ou à proximité d’un port en bord de mer. Il est évident, d’après les annales, que Néphi avait besoin de la collaboration de ses frères et de Zoram; un endroit peuplé aurait fourni d’autres sources de main d’œuvre. Laman et Lémuel, les dissidents permanents, auraient pu quitter Abondance aisément, au moment voulu, car vivre dans un endroit peuplé leur aurait donné une occasion facile de retourner à leur bien-aimé Jérusalem en compagnie de la caravane suivante, un voyage de seulement 4 mois environ.
- Une situation côtière permettrait évidemment l’accès à un bateau, ouvert sur l’océan, les vents et les courants qu’il faut(18:8,9) qui puissent pousser le navire, probablement, en direction de l’Est vers la côte Pacifique des Amériques, comme Alma 22:28 semble le stipuler lorsqu’il est mention de la côte occidentale du pays comme étant le lieu de leur ” premier héritage “.
Au mois d’octobre suivant, il était temps de commencer l’exploration!
À SUIVRE …
Article écrit par Warren Aston et publié le 11 avril 2014 sur ldsmag.com, traduit en français par Nathalie
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NOTES
- Thomas Key, A Biologist Looks at the Book of Mormon(Issaquah, WA: Saints Alive in Jesus, 1985), 1-2. Cette citation provient d’un article plus long listant des problèmes scientifiques prétendus dans le Livre de Mormon; voir “A Biologist Examines the Book of Mormon”, dans Journal of American Scientific Affiliation37 (Wheaton, IL: The Affiliation, June 1985), 96-99. Je ne connais pas d’autre affirmation ultérieure tournant en ridicule l’idée d’Abondance dans l’Ancien Monde.
- Voir ” Arabie ” dans l’Encyclopaedia Britannica, 14ème éd. (Chicago: Encyclopaedia Britannica Inc, 1959) et l’Encyclopédie de l’Islam, 2ème éd.vol.1 (Leiden: Brill, 1960), 538.
- Pour le récit sur le Palinuris, voir Rév. Charles Forster, The Historical Geography of Arabia, vol. 2 (London: Duncan & Malcolm, 1844), 82, 85, 185, 194. Wendell Phillips, Unknown Oman (New York: David McKay Co, 1966), 168 contient le rapport Crichton.
- Hugh W. Nibley, The Collected Works of Hugh Nibley, vol. 5 (Deseret Book and FARMS, 1988), 109-113.
- Lynn and Hope Hilton, ” In Search of Lehi ‘ s Trail “, Ensign(septembre et octobre, 1976).
- Lynn and Hope Hilton, In Search of Lehi‘s Trail(Salt Lake City: Deseret Book, 1976) et Discovering Lehi: New Evidence of Lehi and Nephi in Arabia (Springville, UT: Cedar Fort, 1996).
Merci, c’est formidable…
C’est absolument passionnant. J’attends la suite avec impatience. C’est une tâche très compliquée de parler de l’historicité du livre de mormon. Je suis reconnaissante que des personnes aient consacré des années de recherche pour répondre à ces questions